(FUTUR SIMPLE) VERLEDEN TIJD (O.V.T) of (PRÉSENT) TEGENWOORDIGE TIJD

- Si nous arrivons, dit le soldat au paysan, le bon Dieu aura mis de l'entêtement à nous laisser en vie.

- Ah ! il est le maître, répondit la vieille ; mais je crois que son bon plaisir est de nous appeler près de lui. Voyez là-bas cette lumière ?

Et, par un geste de tête, elle montrait le couchant, où des bandes de feu tranchaient vivement sur des nuages bruns nuancés de rouge qui semblaient bien près de déchaîner quelque vent furieux. La mer faisait entendre un murmure sourd, une espèce de mugissement intérieur, assez semblable à la voix d'un chien quand il ne fait que gronder. Après tout, Ostende n'était pas loin. En ce moment, le ciel et la mer offraient un de ces spectacles auxquels il est peut-être impossible à la peinture comme à la parole de donner plus de durée qu'ils n'en ont réellement. Les créations humaines veulent des contrastes puissants.....

- Est-il heureux, ce stupide bourgmestre, de ne pas s'apercevoir du danger que nous courons tous !

Il est là comme un chien, et mourra sans agonie, dit le docteur.

À peine avait-il dit cette phrase assez judicieuse, que la tempête déchaîna ses légions. Les vents soufflèrent de tous les côtés, la barque tournoya comme une toupie, et la mer y entra.

- Oh ! mon pauvre enfant ! mon enfant ! Qui sauvera mon enfant ? s'écria la mère d'une voix déchirante.

- Vous-même, répondit l'étranger.

Le timbre de cet organe pénétra le coeur de la jeune femme, il y mit un espoir ; elle entendit cette suave parole malgré les sifflements de l'orage, malgré les cris poussés par les passagers.

- Sainte Vierge de Bon-Secours, qui êtes à Anvers, je vous promets mille livres de cire et une statue, si vous me tirez de là, s'écria le bourgeois à genoux sur des sacs d'or.

- La Vierge n'est pas plus à Anvers qu'ici, lui répondit le docteur.

- Elle est dans le ciel, répliqua une voix qui semblait sortir de la mer.

- Qui donc a parlé ?

- C'est le diable, s'écria le domestique, il se moque de la Vierge d'Anvers....

EXTRAITS : JÉSUS-CHRIST EN FLANDRE
Honoré de BALZAC